Boycott MonPsy

Bonjour à tous,

Il me semble nécessaire d’écrire un petit laïus sur les raisons pour lesquels je fais partie des milliers de psychologues qui boycottent le dispositif gouvernemental intitulé MonPsy.

Notre gouvernement vous fait croire que grâce à ce dispositif vous pouvez bénéficier de huit séances gratuites. Mais comme dans tout contrat, il y a des petites lignes et avec MonPsy, elles sont nombreuses. Laissez-moi vous les expliciter:

  1. Les séances ne sont pas gratuites: vous devez les payer et vous êtes remboursés ensuite. L’information donnée par le gouvernement est mensongère.
  2. Le parcours est extrêmement complexe: vous devez rencontrer votre médecin traitant qui doit procéder à une évaluation de votre état psychologique afin de vérifier si vous rentrez dans les critères d’inclusion (oui, il y a des critères: quoiqu’on vous fasse croire, tout le monde ne peut en bénéficier. Nous y reviendrons juste après). Après avoir vu votre médecin, vous rencontrez un psychologue partenaire qui procédera à la même évaluation car concrètement, les médecins ne font pas l’évaluation ou alors il la surévalue afin que vous entriez dans les critères de prise en charge. Cette séance est à vos frais et ne vous sera remboursée que si vous êtes dans les critères d’inclusion. Auquel cas, il vous faut retourner chez votre médecin pour obtenir une ordonnance pour la séance d’évaluation et une autre ordonnance pour les sept séances de « thérapies de soutien ». Les psychologues ne savent pas ce qu’est une thérapie de soutien…
    A l’issue de ces sept séances, si vous n’allez pas mieux, il vous faudra rencontrer un psychiatre pour une nouvelle évaluation. Il aura alors le choix de vous garder pour lui (70€ en moyenne la séance, remboursée 35) ou de vous renvoyer vers votre médecin traitant pour qu’il vous rédige une ordonnance pour huit séances supplémentaire. Cette fois-ci, il s’agirait de « thérapies structurées ». Là-encore, de quoi s’agit-il? Les psychologues l’ignorent. C’est comme si durant la première partie, nous ne travaillions pas vraiment et que lors de la seconde, là on déployait les armes… Personnellement, je travaille avec vous dès la première minute de la prise de rendez-vous! Nous refusons cette considération de la santé mentale à deux vitesses.
  3. Durant toute cette période, le psychologue doit faire des comptes-rendus à votre médecin mais aussi à la CPAM. Le secret saute donc allégrement et sans même vous demander votre consentement. Nous refusons de divulguer les informations vous concernant.
  4. Les critères d’exclusion sont tellement nombreux que peu de personnes peuvent en fait bénéficier de cette prise en charge. Ceux qui sont exclus sont ceux qui présentent des troubles dépressifs ou anxieux sévères, ceux qui prennent un traitement, ceux qui ont déjà attenté à leur jour, ceux qui souffrent d’addiction ou encore de troubles alimentaires, ceux qui sont en arrêt de travail pour la raison qui les amènent à consulter… Bref, vous l’avez compris: seuls ceux qui ne vont pas trop mal pourront être remboursés. Nous refusons cette discrimination.
  5. L’état nous demande de pratiquer des honoraires (sans dépassement autorisé) de 30€. Cela signifie que l’état nous demande de travailler pour moitié moins de nos honoraires actuels. Accepteriez-vous que votre employeur vous paie la moitié de votre salaire pour le même travail fourni? Nous refusons d’être déconsidéré et d’être maltraité.

Ce dispositif n’est qu’une manière de jeter « de la poudre de perlimpimpin » (vous reconnaitrez l’auteur de cette célèbre citation, je suppose). On vous annonce un remboursement total mais en réalité, seul 0,5% des français peuvent en bénéficier. On demande aux médecins de supporter, en plus de leur charge actuelle, une simili évaluation afin de vous orienter vers un psychologue, alors que nous militons pour un accès direct aux soins psychiques. A l’heure où les orthophonistes et les kinés obtiennent le droit d’exercer sans certaines prescriptions, l’état impose aux psychologues une tutelle médicale. Nous le refusons dans ces conditions arbitraires et sans concertation. On vous demande à vous de ne pas aller trop mal pour pouvoir en bénéficier. Les autres, dommage pour vous: vous souffrez trop pour être considérés par le gouvernement. Et enfin, on demande aux psychologues de sacrifier leur éthique et leur déontologie pour adhérer à ce dispositif. Il en est hors de question.

Je fais donc le choix de boycotter ce dispositif.

Noëlla Masson.